20 avr. 2010

Claire & Ahu

Il était une fois deux âmes prisonnières du même corps, le corps c'est moi, et ces âmes m'habitent. Elles ne se retiennent pas de foutre un bordel immense, je peux vous dire que d'ici je ne ressemble plus qu'à un hôtel miteux. Ce n'est pas un film d'épouvante, ni de la science fiction que je vais narrer. J'avoue ce n'est pas très accrocheur comme début, mais ce n'est pas facile d'écrire sa propre histoire.
Après Claire VS Ahu en Inde, l'histoire aurait du s'achever là, mais si un livre est rangé tout en haut il y a toujours une suite dans l'étagère du dessous. Et la trilogie est dans l'air du temps. Puis tout le monde écrit de nos jours, alors pourquoi pas moi. La suite c'est Claire et Ahu, les deux âmes qui m'habitent, plus contre, plus en Inde, en France et ensemble.
J'ai compris que je ne pouvais pas en abandonner une au profit de l'autre, j'ai aussi compris que je ne pouvais pas les obliger à s'aimer, par contre j'ai compris que moi, je pouvais les aimer toutes les deux.

Episode 1 - Le retour au bércail

Changement de décor, changement de style. D'écriture j'entends, bon un peu aussi de look. Comme beaucoup de femmes ce changement passe par les cheveux, Freud aurait surement une explication profonde à cela mais je dois avouer que je ne suis pas très fana de ses histoires d'incestes, alors n'essayons pas de comprendre. Donc comme d'autres, les filles se sont d'abord attaquées à mes cheveux pour régler le flot de sentiments vécu au retour. J'entends au tout premier retour, car cela fait maintenant un mois, même si j'ai l'impression que ça ne fait que quelques jours, que nous sommes rentrées d'Inde. Rousse d'abord, puis rousse foncée, je retrouve enfin une couleur proche de l'ancienne avec des racines particulières au passage. La coupe aussi, des coups de ciseaux par ci et par là. Au final ça n'a rien résolu, rien de ce qui nous arrive ne pourrait être taillé avec une paire de ciseaux.

Episode 2 - Et si nous l'avions?

Les questions fusent. Alors? C'était comment? Y-a-t-il toujours des intouchables? Les réponses se répètent et finissent par perdre leur sens. Il n y a pas de réponses. Quelques photos seulement que les autres se lassent vite de regarder, quelques anecdotes qu'on écoute en riant, et c'est tout. Tout ça pour ne pas savoir quoi dire. Vient ensuite une suite de sentiments inexplicables, une invasion de flashs, de "si", l'amie Nostalgie est là.
Puis un jour une amie nous parle de ce syndrome, je n'en avais jamais entendu parler, et je me suis dit c'est encore un foutu nom que ces médecins veulent donner aux choses impalpables que l'humain ressent, syndrome de Gilbert, syndrome de l'Inde...

Le "syndrome" ou "choc de l'Inde" comme l'appelle Régis Airault après avoir étudié ces occidentaux qui ont "sombré dans l’angoisse, la panique ou la sidération peu de temps après avoir atterri" se manifesterait d'abord sous forme d’angoisse ou de tristesse inexplicable, suivi par la suite de "symptômes plus alarmants", genre hallucinations ou délires psychotiques. Il a nommé ça “l’épreuve de l’Inde”. " La "dépersonnalisation".
Il cite des faits, "égarer son argent, ses affaires, oublier son nom, son identité, entrer dans une forme d’errance, ou éprouver des sentiments d’extase sauvage". "Car l’Inde, terre des mille et un temples et ashrams, réveille l’élan mystique des plus rationalistes. "
Alors intrigué je me suis plongé dans les expériences des autres revenus vivants, et je ne me suis pas reconnu dans ce syndrome. Mais j'aimerais lui demander à Régis, pourquoi il n'a pas écrit la suite de son histoire comme j'écris la mienne.

Le saviez-vous? L'Inde est le seul pays où le consulat de France possède un service psychiatrique pour faire face aux troubles manifestés par les ressortissants français.

Episode 3 - L'après Inde

Le décalage horaire est dévastateur, changer de terre, d'air, je ne peux pas me rétablir en un claquement de doigt. Je ne suis que poussière au fond, et mes éléments sont forcément perturbés avec cette distance. Sporadique, voilà comment je me sens si l'on me demande mon avis, et les filles s'en fichent pas mal. J'ai l'impression qu'une partie de mes cendres ont été dispersées sur le Gange. Le reste s'est fondu dans la masse nuageuse du volcan Eyjafjöll, n'essayez pas de prononcer.
Mais passons mes problèmes de chaire, ce sont les filles qui m'inquiètent. L'âme n'est pas aussi forte que la carrure, elle est blessée sans savoir de quoi. Tu vois Régis, il n'y a pas qu'à l'arrivée, le plus dur c'est le retour. Ce n'est pas de l'avoir quitté qui nous fait mal, c'est de n'avoir rien fait pour elle alors qu'elle en a tant fait pour nous. Cette culpabilité là n'a pas de nom. Parce qu'un autre nominateur lui-même nommé Louis Malle, titré cinéaste, l'a surnommé "Le pays des anomalies à chaque coin de rue". Il n'a pas tort en somme, l'Inde est un voyage dans le temps.
Cependant ces anomalies ont rendu mes âmes plus fortes, leur a administré un antidote, contre le passé, contre le futur, contre le temps. L'anomalie a rendu la normalité à mes habitantes, celle de la vraie folie, celle de l'acceptation.

Alors oui, Régis et Louis, je vous reconnais là une vérité, la dépersonnalisation a eu lieu, la dépersonnalisation constructive, et ça c'est moi qui l'ai nommé.

Pour plus d'infos et témoignages intéressants: http://www.psychologies.com/Culture/Philosophie-et-spiritualite/Pratiques-spirituelles/Livres/Mefiez-vous-du-syndrome-de-l-Inde

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